CONTOURNEMENT ROUTIER DE BEYNAC – ANNULATION D’UN PROJET D’OUVRAGE PUBLIC ET DÉMOLITION DE TRAVAUX EXÉCUTÉS
Published on :
11/04/2019
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Par une décision du 9 avril 2019, n° 1800744, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l’arrêté du préfet de la Dordogne du 29 janvier 2018 autorisant la réalisation d’un contournement routier du bourg de Beynac-et-Cazenac.
Le juge administratif constate, par un raisonnement particulièrement étayé, que la dérogation à l’interdiction de porter atteinte à de très nombreuses espèces protégées ne se justifiait pas au regard de l’intérêt public majeur invoqué par l’autorité administrative (I.).
Les magistrats girondins concluent à la nécessité que le porteur du projet procède à la démolition des travaux initiés ainsi qu’à la remise en l’état des lieux. Une telle injonction demeure, en l’état de la jurisprudence, relativement exceptionnelle (II.)
I. Une dérogation à l’interdiction de porter atteinte à des espèces protégées doit être dûment justifiée par une raison impérative d’intérêt public
L’autorisation unique portant sur le projet d’édification d’une route de 3,2 kilomètres et de deux nouveaux ouvrages d’art sur la Dordogne, valait également dérogation aux interdictions de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats, en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Le tribunal administratif constate l’étendue des dégâts potentiels du projet sur la biodiversité en relevant que non moins de 129 espèces protégées risquent d’être impactées et que de multiples habitats naturels qui leur sont favorables ont vocation à être détruits ou endommagés par le projet.
À l’appui de cette dérogation, le préfet soutenait que le projet était justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur en ce que la déviation du bourg permettrait une amélioration des conditions de circulation en réduisant les problèmes de congestion et de sécurité routière au sein du bourg, ce qui, par là même, aurait pour effet de favoriser le développement touristique local.
L’argumentaire ne convainc pas les juges, lesquels constatent que la circulation dans le village ne nuit pas à l’attractivité touristique de la zone, puisque cette dernière en est précisément à l’origine ; que les risques pour la sécurité publique générés pas les véhicules en transit ne sont pas démontrés, des mesures de sécurisation des voies communales ayant déjà été mises en œuvre, et enfin, qu’il n’est pas davantage démontré que la déviation aura un impact positif important sur l’attractivité de la vallée de la Dordogne. En cela, le tribunal administratif de Bordeaux se conforme aux considérants que le Conseil d’État avait précédemment retenu pour ordonner la suspension en référé dudit projet le 28 décembre 2018 (n° 419918).
Dans ces circonstances, le tribunal administratif de Bordeaux juge que le projet ne pouvait être regardé comme répondant à une raison impérative d’intérêt public présentant un caractère majeur permettant de porter une telle atteinte aux écosystèmes.
L’autorisation unique est dès lors annulée.
II. Une injonction de démolition des travaux initiés et de remise en état du site fondée sur l’atteinte excessive au paysage
Les magistrats administratifs bordelais ont assorti leur décision d’annulation de mesures d’exécutions exigeantes en enjoignant au département de la Dordogne de procéder à la démolition des ouvrages publics initiés ainsi qu’à la remise en état de la zone.
Le tribunal administratif fait usage d’un considérant de principe que le Conseil d’État avait employé lors d’une décision du 14 octobre 2011 (n° 320371), mais lequel demeure relativement peu usité.
Le juge examine en effet si l’illégalité de l’ouvrage public inachevé peut être régularisée par une nouvelle autorisation. Dans le cas contraire, le juge doit prendre en considération les inconvénients que le maintien de l’ouvrage entraînerait pour les divers intérêts publics ou privés, et doit s’interroger sur, d’une part, les conséquences de sa démolition pour l’intérêt général compte tenu notamment des coûts des investissements déjà réalisés et, d’autre part, sur la possibilité de faire usage des constructions en cause dans le cadre d’un projet modifié ou d’un nouveau projet.
En l’espèce, le tribunal constate que la régularisation ne peut être envisagée puisque le projet ne constitue pas une raison impérative d’intérêt public majeur justifiant l’atteinte aux espèces protégées et que, bien que la démolition des ouvrages inachevés risque elle-aussi de porter atteinte à l’environnement (retrait des premières piles des ponts) l’impact visuel sur la vallée de la Dordogne « parsemée en cet endroit de villages et de châteaux remarquables » s’avère excessif.
La démolition, dont les conséquences sont jugées comme n’entraînant pas une atteinte excessive à l’intérêt général, sont ordonnées en application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative.
Le Conseil départemental de la Dordogne a fait savoir qu’il interjetterait appel de la décision… Affaire à suivre.
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