PAS DE RÉCEPTION TACITE EN CAS DE CONTESTATION SYSTÉMATIQUE ET CONTINUE DE LA QUALITÉ DES TRAVAUX RÉALISÉS

Published on : 28/05/2019 28 May May 05 2019

L’arrêt du 4 avril 2019 (pourvoi n°18-10412) est l’occasion pour la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation de préciser sa jurisprudence sur les conditions permettant de caractériser la réception tacite d’un ouvrage. Amorcée par un arrêt du 30 janvier 2019 (pourvoi n°18-10197 et 18-10699) aux termes duquel elle a jugé que « l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot et de sa réception et que le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite », la Cour de cassation précise, par cet arrêt, que l’abandon de chantier et la contestation systématique et continue de la qualité des travaux font obstacle à ce que le maître d’ouvrage soit réputé avoir réceptionné tacitement une installation.

En l’espèce, un particulier a confié à une société des travaux de remise en état d’un immeuble après incendie. Dénonçant au constructeur un abandon de chantier, un retard dans la réalisation des travaux, des désordres et la présence de gravats sur le site, le particulier a sollicité la désignation d’un expert judiciaire.

Parallèlement, après avoir procédé au règlement intégral des travaux, il a pris possession de l’immeuble et fait appel à des entreprises tierces pour achever les travaux sur la base de ceux réalisés par l’entrepreneur initial. A l’issue de l’expertise, le propriétaire a assigné le constructeur et son assureur en résiliation du contrat, sollicité le remboursement du trop-payé et la réparation de son préjudice financier.

A l’appui de ses écritures, le demandeur soutenait que le paiement intégral de la facture et la prise de possession de l’installation caractérisée par le recours à des sociétés tierces pour achever les travaux caractérisaient sa volonté non équivoque de réceptionner en l’état l’installation. Par un arrêt du 23 novembre 2017, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté sa demande en considérant que l’abandon de chantier et concomitamment la contestation systématique et continue de la qualité des travaux faisaient douter de la volonté non équivoque du propriétaire de recevoir l’ouvrage.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a ainsi pris le contrepied de l’arrêt du 30 janvier 2019 précité en ne tenant pas compte du paiement des travaux et de la prise de possession de l’immeuble. Un pourvoi en cassation a été formé.

Il appartenait à la Cour de cassation de se prononcer sur la question de savoir si la dénonciation de malfaçons et l’abandon de chantier s’opposaient à ce que le maître d’ouvrage soit réputé avoir réceptionné tacitement l’ouvrage, dès lors qu’il avait pris possession de l’installation et procédé au règlement des travaux. Répondant par l’affirmative, la Cour de cassation a confirmé le raisonnement suivi par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence et rejeté le pourvoi. Plus précisément, la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel avait légalement justifié sa décision en relevant que « l’allégation d’un abandon de chantier et, de manière concomitante, la contestation systématique et continue de la qualité des travaux par le maître de l’ouvrage, qui faisait douter de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, étaient un obstacle à une réception tacite ». Les juges n’ont donc pas pris en compte la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux.

Cet arrêt interpelle à l’aune d’un nouvel arrêt rendu, quelques jours plus tard, par la même chambre de la Cour de cassation (Cass. Civ 3ème, 18 avril 2019, pourvoi n°18-13734). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a adopté le raisonnement inverse et jugé que les contestations formulées par le maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur – non qualifiées de systématiques et de continues comme c’était le cas dans le présent litige – étaient sans incidence et que par suite, « la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux faisaient présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves ». Est-ce le caractère non-systématique et non continue des contestations qui ont conduit la Cour de cassation à adopter une position inverse à celle adoptée le 4 avril dernier ?

Des précisions sur la nature et le caractère des contestations du maître d’ouvrage susceptibles de caractériser, ou non, une volonté non équivoque de réceptionner un ouvrage, seraient les bienvenues.

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